Alors que de plus en plus d’écoles prennent seules, l’initiative de proposer à leurs élèves des introductions à la méditation de pleine conscience, le ministère de l’Éducation nationale se penche sur le sujet et étudie la possibilité d’expérimenter cette pratique auprès de 250 écoles.
Si à première vue, les retours attendus d’un tel essai, ne peuvent se situer qu’entre, au pire l’inefficace et au mieux le bénéfique, ce n’est pas l’avis de tout le monde. La Ligue des Droits de l’Homme avec en tête de file, son président a en effet demandé au travers d’un communiqué au Ministre Jean Michel Blanquer de « mettre un terme sans délais » à cette « expérimentation ».
Mais pourquoi une telle défiance ?
Les arguments pour ne pas réaliser cet essai, tirés de l’intervention du président de la Ligue, Malik Salemkour, dans Libération1 fin 2021 s’articulent autour de quatre constats :
- La méditation de pleine conscience cristallise des doutes et des contestations scientifiques et idéologiques.
- Actuellement, dans les écoles, elle est exercée par des intervenants extérieurs aux classes, non habilités, et dont la nomination est laissée à la seule appréciation des enseignants ou chefs d’établissement.
- Sa pratique à l’école sort du cadre des missions qui lui sont attribuées, à savoir instruire et émanciper.
- Les origines bouddhistes de la pleine conscience mettent à mal la laïcité de la pratique.
1 : Des doutes relatifs :
L’étude de l’institut McGovern2 (au sein du MIT) n’est qu’une étude parmi d’autres qui met en avant les retours positifs de la pratique régulière de la méditation de pleine conscience (MPC) sur la lutte contre le stress et l’amélioration de l’attention. L’intérêt de la citer ici réside dans le fait qu’elle a été réalisée avec des écoliers. Les résultats correspondent à ce qui commence à ressembler à un concensus, à savoir que la MPC lorsqu’elle est pratiquée régulièrement peut aider dans la gestion du stress et des émotions négatives (la tristesse et la colère sont citées dans l’étude). Alors si ni une, ni mille études ne suffiront à mettre d’accord la totalité du corpus scientifique quant aux effets positifs ressentis de la méditation sur la concentration et la gestion du stress, il faut quand même être de mauvaise foi pour avancer que les doutes et contestations sur cette pratique sont suffisants pour en proscrire la découverte par des élèves. Les expérimentations et les recherches ne sont ni nouvelles, ni marginales, ni particulièrement contestées. Il ne faut d’ailleurs pas aller bien loin pour trouver des chercheurs reconnus qui étudient la MPC depuis longtemps en France. C’est par exemple le psychiatre Christophe André3 qui a été parmi les premiers médecins à proposer des approches de méditation laïque à ses patients et cela dès 2004. En intégrant la MPC à ses recherches sur les thérapies comportementales et cognitives, il associe la méditation de pleine conscience à la thérapie des troubles anxieux et dépressifs, et tout particulièrement dans le domaine de la prévention des rechutes. Il permet non seulement d’avoir des retours solides sur la non-dangerosité de la pratique mais aussi d’adapterla pratique en fonction des objectifs. nous avons plusde 19 ans de retour là-fessus aujourd’hui.
2 : Une uniformisation indispensable de la pratique de ma méditation :
La Rochelle a mis en place une des plus grandes initiatives françaises en 20194 lorsqu’elle a proposé aux 5 000 enfants scolarisés de la ville une initiation à la méditation. Mais cette démarche est loin d’être isolée et plus de 400 établissements ont déjà proposé des initiatives similaires. Le manque de plan commun responsabilise les établissements quant au choix du déroulement des initiations mais aussi quant au choix des intervenants. Il y a donc ici en effet une possibilité de dérive puisque la formation des intervenants n’est ni uniformisée, ni contrôlée à l’échelle nationale. Mais c’est justement un premier pas vers cette uniformisation que permettrait l’expérimentation à grande échelle de la pratique, comme elle est envisagée par le ministère. La comparaison et l’analyse des retours des établissements en fonction des méthodes, des infrastructures et des intervenants sont des étapes indispensables à la création d’une base saine commune. Cela permettra d’éviter la situation actuelle qui compte autant de procédures différentes que d’établissements qui se lancent dans l’initiative.
3 : Un outil pertinent d’aide à la concentratione et à l’instruction :
La santé mentale des adolescents et des étudiants n’a jamais été aussi préoccupante que depuis la crise sanitaire. On constate une augmentation des troubles psychiatriques, de l’anxiété et des hospitalisations en psychiatrie5 qui ont de quoi nous pousser à réagir. Ces atteintes ont des conséquences sur les aptitudes des élèves à s’instruire efficacement, anxiété chronique et concentration n’ont jamais fait bon ménage. Les signalements des tentatives de suicide ont aussi bondi de 40% entre 2020 et aujourd’hui et cela n’est malheureusement que la partie émergée de l’iceberg. Le développement et l’acquisition d’indépendance des élèves se fait donc dans des conditions difficiles ces derniers temps ce qui nuit sans aucun doute à l’efficacité de l’école quant à remplir ses missions d’instruction et d’émancipation. C’est dans ce contexte que la méditation de pleine conscience prend tout son sens. L’aide face à la gestion de l’angoisse et l’intérêt dans la lutte contre la dépression qu’elle apporte sont des atouts reconnus6 qu’il serait bien malvenu de mettre de côté.
4 : Une pratique encadrée, une pratique laïque :
Il existe autant de façon de méditer qu’il existe de personnes qui méditent. L’orientation qu’on donne à l’exercice est donc en effet à surveiller. Cela dit comme le définit Christophe André, la méditation de pleine conscience n’est qu’un entraînement de l’esprit, à chacun après de l’associer à une pratique culturelle ou religieuse ou non, comme cela peut être le cas avec n’importe quelle autre activité. L’esprit est universel et le rattacher à une pratique religieuse n’a pas plus de sens que d’associer la pratique de la course à pied au culte de la mythologie grecque7. Cependant les bases doivent être fixées depuis le départ pour que la méthode choisie, le soit sur des bases scientifiques et en aucun cas religieuses ou idéologiques. C’est d’ailleurs cette orientation laïque et scientifique que suivent l’immense majorité des expérimentations, des essais et des programmes en cours ou effectués ces dernières décennies.
Les problématiques auxquelles doivent faire face les étudiants et les nouveaux travailleurs ont changé avec l’arrivée massive du digital dans notre société depuis les années 2000. Ces changements se font ressentir dans nos modes de vie et ils s’accompagnent d’une forme de pression latente qui, quand elle est mal appréhendée, mène à des situations psychiques extrêmes qui peuvent aller jusqu’à la dépression ou le burnout. Il devient donc indispensable pour le système éducatif de ne pas nier ces changements et de mettre en œuvre une réponse adaptée permettant aux étudiants d’être préparés à ces contraintes quotidiennes. Il existe plusieurs outils pour cela et la méditation de pleine conscience en fait partie. C’est d’ailleurs ce qui explique la multiplication des démarches individuelles d’établissements scolaires dans ce sens. Le ministère à tout à gagner à prendre le train en marche et suffisamment tôt pour ne pas voir apparaitre les premiers cas de dérives, qui arriveront forcément en l’absence de procédure d’encadrement national.
Maximilien Vergnaud
Sur le même sujet : Yoga et Méditation, prolongement du soin ostéopathique.
2’ https://www.ncbi.nlm.nih.gov/pmc/articles/PMC1361002/
3 https://fr.wikipedia.org/wiki/Christophe_Andr%C3%A9
7 https://www.doliho.gr/fr/pages/h-aparhh-ton-agonon